Interview d’Arnaud Rousseau, 1er vice-président de la FNSEA
La nouvelle Politique agricole commune (PAC) ne sera opérationnelle qu’en 2023. Pendant la période transitoire 2021-2022, les débats vont se concentrer sur les outils de la PAC. La FNSEA poursuit sa réflexion sur la future PAC 2023-2027. Arnaud Rousseau, premier vice-président de la FNSEA, en charge de ce dossier, nous en dit plus.
Lors de votre conseil d’administration extraordinaire du 6 janvier, la FNSEA a arrêté une position de négociation du Plan stratégique national (PSN), autrement dit la déclinaison française de la future PAC. Qu’elles en sont les grandes lignes ?
Arnaud Rousseau : Au préalable, à la FNSEA, nous avons défini les principes qui doivent être l’identité et la raison d’être de la PAC, c’est à-dire une politique économique au service de la création de la valeur ajoutée sur nos exploitations. Une politique déployée pour structurer nos filières agricoles, pour faire vivre tous nos territoires dans l’objectif d’abonder notre souveraineté alimentaire. Une PAC encourageant le renouvellement des générations d’agriculteurs et les accompagnant dans la transition écologique. Ce préalable nous distingue de nos autres concurrents syndicaux. Nous privilégions l’approche économique des exploitations, sans méconnaître ni amoindrir et encore moins reléguer les autres domaines que sont l’environnement ou le social. L’économie constitue le fait générateur.
Sur quels éléments concrets avez-vous arrêté votre position ?
AR : Nous sommes tout d’abord partis du cadre réglementaire tel qu’il existe aujourd’hui avec ses outils connus (DPB, paiement vert, écorégimes…) et un cadre budgétaire prédéfini que notre action a permis de sauvegarder. Ce sont des prérequis importants mais dont les contours restent encore fluctuants car tout n’est pas décidé. Je pense aux écorégimes, ce nouvel outil pour accompagner la transition écologique dont nous ne connaissons pas encore le pourcentage : 20 % ? 25 % ? 30 % ?
Pour la FNSEA, cette PAC doit porter son effort sur les zones intermédiaires, donner un signal sur la gestion des risques et faire en sorte que les écorégimes (ou eco-scheme) constituent un outil accessible à tous les agriculteurs sans distinction. La future PAC devra se traduire par des évolutions qui accompagnent le changement plutôt que par un coup de barre brutal qui laisserait des agriculteurs sur le bord du chemin.
C’est-à-dire ?
AR : Ce qui importe, c’est que la prochaine PAC demande des efforts moins intenses à ceux qui ont déjà réalisé beaucoup d’efforts et qui ont contribué aux objectifs de la PAC au cours des deux premières réformes. Je pense en particulier aux élevages de plaine sur un modèle intensif ou semi-intensif et aux grandes cultures. Il faut veiller à ce que cette réforme soit économiquement supportable et que les efforts, notamment sur la transition écologique, soit compatibles avec l’économie des exploitations.
Lors du Conseil d’administration du 6 janvier, avez-vous travaillé sur les outils de cette PAC ?
AR : Oui, nous les avons examinés, moins pour définir les curseurs applicables à chacun de ces outils, que pour travailler sur les grands principes autour d’une colonne vertébrale : trouver un équilibre, un point de convergence commun. Ce qui suppose de laisser une partie de ses intérêts particuliers au profit de l’intérêt général et être en prise avec la réalité du terrain.
Pouvez-vous préciser ?
AR : A titre d’exemple, la FNSEA propose de faire l’équivalent de la moitié du chemin de la convergence d’ici 2027 (fin de la période de programmation) à condition de compenser les secteurs et régions les plus impactés. Proposer une convergence totale immédiate aurait permis de donner un signal positif aux zones intermédiaires, mais aurait impacté de manière forte les « contributeurs » des deux dernières PAC. Ce qui n’aurait pas été conforme à notre propre ligne directrice. Réaliser une partie de la convergence, permet de redoter les zones intermédiaires sans une pénalisation trop forte des « contributeurs » des PAC précédentes. Il s’agit donc d’une position d’équilibre. C’est l’esprit même de la FNSEA : donner une orientation et une ambition en préservant l’équilibre entre les territoires et les filières. Car derrière, il y a des hommes et des femmes qui veulent décemment vivre de leur métier. C’est notre combat quotidien.
L’exercice n’est-il pas compliqué ?
AR : Bien sûr, car la PAC est elle-même d’une « complexité diabolique » si vous me permettez de paraphraser un ancien ministre de l’Agriculture*. Il faut bien comprendre qu’elle est le fruit d’un consensus européen à 27 pays avec des chefs d’État et de gouvernement qui doivent tenir compte de leurs spécificités agricoles. Un exploitant de Malte, de France, de Bulgarie et d’Estonie par exemple ont des contraintes différentes. La réalité est identique que l’on soit éleveur laitier en Alsace, maïsiculteur dans le Bordelais, éleveur de broutards en Auvergne ou viticulteur en Bourgogne. Mais pour nous, l’essentiel de cette PAC, qui incarne la construction européenne, est de préserver notre souveraineté alimentaire européenne et c’est dans cet esprit d’équilibre et de responsabilité que la FNSEA entend œuvrer.
Une dernière question : la Commission nationale du débat public vient de publier son rapport sur le Plan stratégique nationale qu’elle a transmis au ministre de l’Agriculture. En avez-vous pris connaissance et qu’en pensez-vous ?
AR : Bien entendu j’en ai pris connaissance et je remarque que cet exercice à la fois collectif et médiatique est pour le moins inédit. A ma connaissance, très peu d’autres secteurs d’activité ont fait l’objet de tels débats avec une telle transparence. J’y vois ici une manière de rapprocher les agriculteurs des citoyens et réciproquement. En ce sens, ce débat a été positif. Maintenant, j’avoue avoir trouvé, parmi les 1 083 propositions, des idées pour le moins farfelues. Je n’en cite qu’une qui me semble emblématique de certaines élucubrations : la nationalisation des terres agricoles. La FNSEA a participé à la quasi-totalité des rencontres organisées par le CNDP. Nous attendons de connaître la réponse du ministre qui n’a, naturellement, aucune obligation légale de retenir l’ensemble de ces 1 083 propositions.
* Philippe Vasseur, ministre de 1995 à 1997
Source : Actuagri